A travers ce livre, Gilles Marchand oppose volontairement sa narration à la la gravité du thème. Celle-ci s’évade fréquemment dans le fantaisiste. Son personnage principal est comptable dans l’âme et puriste tant pour les chiffres que pour la grammaire. Mais dès sa journée de travail terminée, après avoir passée l’étape boulangerie sur le chemin du retour, son coté rigoureux s’évanouit progressivement.
Le livre suit la mentalité de ce personnage en suivant une structure de narration assez rigide : un chapitre par jour, découpé en une phase de travail rigide, suivi du retour chez lui où le loufoque prend toute sa signification sans perturber notre personnage, à condition toutefois que certains points de passage soient respectés pour ne pas détruire sa routine. Ensuite vient sa sortie du soir, où il retrouve ses amis de bar pour une autre phase rassurante de son quotidien. Mais un minuscule accident, un café renversé, va le forcer à sortir de sa réserve et l’inciter à se confier à ses amis.
Le passé de ce personnage est raconté sur un rythme assez lent, dévoilé au compte goutte lors de ses soirées. Après avoir montré l’esprit grammatical rigide de son comptable par ses échanges avec la boulangère, l’auteur n’hésite pas, quant à lui, à s’en affranchir pour accélérer par moment avec des enchaînements de phrases très courtes, quitte à être incorrecte grammaticalement. De même pour traduire la confusion, il n’hésite pas à introduire des répétitions multiples qui rendent bien l’état d’esprit du personnage.
Dans les détournements de situation on retrouve l’exagération et l’exubérance de Boris Vian, d’ailleurs cité. J’y ai aussi retrouvé un peu de Raymond Devos avec ses rencontres avec le chien. Et comment ne pas associer le grand-père à Roberto Benigni dans
La vie est belle dans sa capacité à réinventer la réalité pour protéger son petit-fils, d’autant que comme nous le découvrirons sur la fin du livre, l’élément déclencheur de cette histoire est également issu de l’un des plus tristes actes de la seconde guerre mondiale.
L’écharpe m’a permis de masquer cette différence. Elle soulève d’autres questions, mais il est plus facile de vivre avec des questions qu’avec une différence.
Le réverbère en bas de chez moi ne fonctionne plus. Suicide, à n’en pas douter. Faut-il prévenir quelqu’un, la police, la famille ?
...je n’ai qu’une méthode : celle qu’a appliquée consciencieusement Pierre-Jean tout au long de sa vie. Ne pas s’encombrer de la réalité, transformer son présent pour oublier son passé.