C’est l’histoire d’un (ou plusieurs) prêtre(s), d’une fliquette, d’un agent d’Interpol et d’un (ou plusieurs) tueur(s) en série (non ça n’est pas une blague), de leurs destins croisés lorsque la jeune femme, technicienne de la police scientifique milanaise, décide de partir enquêter en free-lance sur les circonstances de la mort de son mari, reporter de son état, à Rome. Ce qui va la mener à rechercher la dernière victime d’un serial killer tombé dans le coma, le tout sur fond de sous-ordre de l’Eglise Catholique (pour ne pas dire “secte”) de curés-profilers à l’existence plus ou moins illégale.
Là où Carrisi pouvait faire l’erreur (et se péter les dents comme tant d’autres) de tomber dans un roman policier ésotérico-symbolico-ecclésiastique à la Dan Brown (qui sait très bien faire ce qu’il fait mais les deux écrivains ne boxent pas dans la même catégorie), il réussit, au contraire, à conserver à la fois son identité littéraire (car rien n’est jamais irrationnel, tout trouve son explication dans les déviances de la psyché humaine) et son identité d’écrivain européen avec cette authenticité et cette sensibilité caractéristiques tout court.
Comparons donc ce qui est comparable : “Il tribunale delle anime” est un roman plus bavard, moins dans l’action pure que le précédent (personne ne se tire dessus pour ne pas perdre connaissance ici), moins glauque aussi (dans une certaine mesure).
Le rythme est donc plutôt lent (et là je crains un peu la traduction française, sûrement très fidèle, mais qui doit certainement manquer d’allure, question de musicalité de la langue je pense) et on a l’impression que la fin traine en longueur mais il fallait bien ça pour que l’auteur ne saborde pas son roman, n’écrive pas un dénouement décevant, une issue à la con.
Là où d’autres écrivains se seraient arrêtés à la mort du gros méchant tout désigné,
Donato Carrisi exploite tous ses sujets jusque dans leurs abysses et fait monter l’angoisse crescendo pour atteindre des sommets de “rhoooooo p*tain !!!!!!!” à la toute fin de son livre.
Il pousse donc encore plus loin ses problématiques en introduisant aussi une réflexion sur la responsabilité pénale (...).
Je suis bien contente de ne pas être amenée à devoir légiférer sur ce point : est-ce qu’en effaçant la mémoire d’un individu (au sens propre comme au figuré), on efface aussi le poids de son passé, de sa culpabilité (ressentie ou avérée) ? Nos actions, bonnes ou mauvaises, caractérisent-elles fermement et définitivement nos êtres ? Existe-t-il une justice, une forme d’absolution ou de rédemption ? Le Mal, comme le Bien, sont-ils de l’ordre de l’inné ou de l’acquis ? Sommes-nous condamnés à reproduire les mêmes erreurs si la vie (ou la science) nous offre une seconde chance ? Sont-ce véritablement des erreurs (en dehors des meurtres sadiques d’innocents et de petits animaux bien sûr) ? (Et là on tombe plutôt dans un scénario d’anticipation pompé sur Gondry dans “Eternal Sunshine (...)”)
Ainsi, une fois les jalons posés (bon, ok, ça prend une bonne grosse moitié de bouquin), Carrisi nous entraîne dans les méandres des personnalités de ses personnages que l’on croyait avoir cernés, dont on pensait pouvoir prévoir les réactions : l’auteur réussit à nous surprendre, encore et encore, enchaînant les cliffhangers magistralement orchestrés (et d’autres moins... Personne n’est parfait, faut pas exagérer !).
Car c’est bien cela qui nous intéresse dans la vision du bien et du mal de l’auteur, le fait que les personnages positifs ne le sont jamais totalement et inversement, cette frontière ténue, et définitivement humaine finalement, entre les gentils et les méchants.