Je suis née au printemps. Les pieds devant. Ce qui a fait dire à l’Adèle, la sage-femme : - Cette gamine, elle ira loin ! C’est vrai. Plus tard, dès que je me suis mariée, je ne suis pas restée à Derrière-les-Gras. J’ai monté plus haut, à la ferme de Sur-le-Mont. Je l’enviais, cette ferme. Parce que le soir, au couchant, quand l’ombre s’abattait sur nous, elle était encore toute dorée de soleil. Je n’avais pas 8 ans, pourtant je disais à la moman :
- Quand je s’rai grande, j’habiterai là-haut !
Elle me rembarrait :
- Au lieu d’rêver, va plutôt chercher des patates à la cave ! Les rêves, c’est pas fait pour nous ! C’est pour les riches !